Ottawa présente son plan pour l’obligation de vendre des véhicules électriques
MONTRÉAL — Le nouveau règlement sur la disponibilité des véhicules électriques du Canada exigera des constructeurs automobiles qu’au moins 20 % des véhicules qu’ils mettront en vente en 2026 soient entièrement électriques ou hybrides rechargeables.
Cette part doit augmenter chaque année, pour atteindre 60 % en 2030 et 100 % en 2035.
Les constructeurs automobiles qui n’auront pas atteint leurs objectifs de vente pourront couvrir la différence en achetant des crédits à d’autres fabricants qui auront dépassé leurs objectifs ou en investissant dans des stations de recharge.
Guilbeault s’attaque à Poilievre
Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a présenté, mardi, les détails de son plan visant à éliminer progressivement la vente de véhicules à essence au Canada.
«Il n’y a aucun doute, nous sommes à un point critique», a déclaré le ministre de l’Environnement, soulignant une croissance considérable des ventes de véhicules électriques au Canada et une demande qui dépassait auparavant l’offre disponible.
Au cours des trois premiers mois de 2023, environ un véhicule neuf immatriculé sur dix était électrique au pays.
Steven Guilbeault a ajouté que les constructeurs automobiles se sont engagés à vendre uniquement des véhicules électriques dans les prochaines décennies et, profitant de l’occasion pour attaquer le chef conservateur Pierre Poilievre, il a ajouté que le gouvernement fédéral veut s’assurer de ne «pas être laissé de côté» dans la transition.
«C’est la différence entre notre approche et le nouveau style MAGA du Parti conservateur de Pierre Poilievre», a indiqué le ministre en faisant référence à Donald Trump.
Il a déclaré que le chef conservateur «partage fièrement de la désinformation sur les véhicules électriques» car il laisse entendre que ceux-ci «sont moins respectueux de l’environnement que les voitures à gaz».
Le secteur des transports dans son ensemble représente environ le quart des émissions globales de gaz à effet de serre (GES).
Des données de Santé Canada montrent que la pollution de l’air par les véhicules routiers «contribue à environ 1200 décès prématurés et à des millions de cas de problèmes de santé non mortels chaque année, avec un coût économique total estimé à 9,5 milliards de dollars par an».
Des normes plus restrictives au Québec
Le Québec et la Colombie-Britannique ont déjà des mandats de vente de véhicules électriques.
Au Québec, la vente de véhicules électriques doit atteindre 32,5 % en 2026, 60 % en 2028, 85 % en 2030 et 100 % en 2035.
La norme mise en place par le gouvernement Legault est donc plus sévère que celle du fédéral. Lors d’un breffage technique à l’intention des médias, des fonctionnaires d’Environnement et Changement climatique Canada ont expliqué que la norme fédérale est indépendante de celle des provinces. Si les normes provinciales sont plus restrictives, les constructeurs doivent donc se plier à celles-ci.
Les deux tiers de tous les véhicules électriques vendus au Canada cette année l’étaient au Québec et en Colombie-Britannique, alors qu’ils représentent environ les deux cinquièmes des ventes totales de véhicules.
Selon Environnement et Changement climatique Canada, «les données du Québec, de la Colombie-Britannique, ainsi que celles d’autres pays sont claires: lorsqu’elle est associée à des investissements en matière de soutien, une cible réglementée visant les VZE élargit le choix des consommateurs, améliore la qualité de l’air et accélère la transition de véhicules à moteur à essence vers les VZE».
Le Règlement fédéral utilise le terme «véhicule zéro émission» (VZE) et inclut les véhicules électriques à batterie (VEB) fonctionnant uniquement à l’électricité, les véhicules électriques à pile à combustible (VPC) fonctionnant à l’hydrogène et les véhicules électriques hybrides rechargeables (VEHR) pouvant fonctionner «exclusivement à l’électricité sur une distance minimale déterminée avant toute transition pour fonctionner comme véhicules hybrides, utilisant à la fois des combustibles liquides et de l’électricité».
Moins d’attente et plus de véhicules
En 2023, plus de 50 modèles de VZE sont disponibles au Canada. Il s’agit d’une augmentation de 80 % par rapport à 2019.
Selon Anna Kanduth, directrice du projet 440 mégatonnes de l’Institut climatique du Canada, la nouvelle réglementation contribuera à raccourcir le temps d’attente pour se procurer des véhicules électriques.
«La nouvelle réglementation canadienne s’apparente aux mesures annoncées ou mises en place dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et dans plusieurs États américains. Elle s’appuie également sur le succès du Québec et de la Colombie-Britannique, où la réglementation des ventes de véhicules zéro émission a permis d’augmenter l’offre de véhicules électriques et d’en stimuler la vente par rapport aux provinces qui ne bénéficient pas de ce type de mesures de soutien», a indiqué Anna Kanduth.
Selon Environnement et Changement climatique Canada, l’industrie automobile a annoncé l’arrivée de 41 modèles supplémentaires au Canada en 2024.
En réponse à l’annonce d’Ottawa, l’association Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada a demandé la création d’un «forum dédié» qui permettrait au gouvernement fédéral de dialoguer avec les constructeurs automobiles, le secteur de l’énergie et les groupes de consommateurs.
L’association fait valoir que des obstacles subsistent à l’application du nouveau règlement, notamment la distribution d’une quantité suffisante d’électricité, la création d’une infrastructure de chargement adaptée, le coût des véhicules électriques et l’éducation des consommateurs.
À ceux qui craignent que le pays manque d’énergie pour subvenir à la demande des véhicules électriques, le ministre Guilbeault a répondu, en conférence de presse, que l’électrification des transports mènera à une plus grande efficacité énergétique.
«Le fait d’électrifier le parc automobile va être lié à une augmentation de la croissance de la demande en électricité, mais cette demande est marginale. Il faut comprendre qu’un véhicule électrique est beaucoup plus efficace en termes de déplacement par unité d’énergie, sur un kilomètre par exemple, qu’une voiture à essence.»
Selon le directeur des Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada, David Adams, les Canadiens «évoquent sans relâche l’infrastructure limitée et le coût élevé des véhicules électriques comme des obstacles majeurs à l’adoption des véhicules zéro émission».
Mobilité électrique Canada, une association vouée à la promotion de l’électromobilité, ne partage pas ces craintes concernant la disponibilité des bornes électriques.
«Cette annonce donne de la prévisibilité pour s’assurer qu’on ait les investissements privés nécessaires», a indiqué Louise Lévesque, directrice des politiques pour cette association.
«Une mesure comme celle-là nous donne des chiffres et des cibles précises», donc «on est capable de prévoir le nombre de véhicules électriques qui vont être mis sur le marché dans les prochaines années, ce qui aide les industries dans le domaine de la recharge à mieux planifier quand et à quels endroits il faut construire les réseaux de recharge», car «ce n’est pas le genre de chose qu’on peut faire à l’avance, ça ne sert à rien d’avoir plein de bornes qui ne servent pas», a expliqué la directrice des politiques de Mobilité électrique Canada.
Le Canada compte plus de 25 000 bornes de recharge publiques de véhicules électriques. Le gouvernement fédéral a alloué plus de 1,2 milliard $ dans des projets visant à fabriquer près de 84 500 bornes de recharge d’ici 2027. Au Québec, le gouvernement Legault compte investir 514 millions $ pour installer 116 000 bornes de recharge publiques d’ici 2030.