Les libéraux du Nouveau-Brunswick formeront un gouvernement majoritaire

FREDERICTON — Les électeurs du Nouveau-Brunswick ont élu un gouvernement libéral majoritaire, qui a chassé les conservateurs progressistes sortants après six ans au pouvoir, et ont confié les rênes à la première femme à diriger la province.

La cheffe libérale Susan Holt est une nouvelle venue sur la scène politique de la province, ayant remporté une élection partielle l’année dernière, huit mois après être devenue la première femme à remporter la direction du parti.

Une heure environ après la fermeture des bureaux de vote, les libéraux étaient en tête ou élus dans 31 circonscriptions, les conservateurs dans 16 et les verts dans deux. Vingt-cinq sièges sont nécessaires pour obtenir la majorité dans l’Assemblée législative, qui compte 49 sièges.

Mme Holt, 47 ans, a mené les libéraux à la victoire après une campagne de 33 jours, contrecarrant la tentative de Blaine Higgs d’obtenir un troisième mandat de premier ministre.

Elle a promis à plusieurs reprises d’adopter une approche équilibrée de la gouvernance, ce qui, selon elle, contraste fortement avec ce qu’elle décrit comme le «spectacle solo de Higgs qui a mené le Nouveau-Brunswick à l’extrême droite».

«Nous avons besoin d’un gouvernement qui agit en tant que partenaire, et non en tant que dictateur depuis un seul bureau à Fredericton», avait-elle déclaré dans une récente entrevue avec La Presse canadienne.

Le premier ministre Justin Trudeau a félicité Susan Holt et les libéraux de la province pour leur victoire dans un communiqué publié en soirée. Le chef des libéraux à Ottawa a souligné le fait que Mme Holt devienne la première femme à prendre la tête du Nouveau-Brunswick et a dit être «impatient de travailler» avec elle.

Il a tout de même remercié le premier ministre Blaine Higgs «pour ses six années de loyaux services au Nouveau-Brunswick et au Canada».

La victoire des libéraux marque un rejet catégorique du virage prononcé de M. Higgs vers des politiques plus conservatrices sur le plan social.

M. Higgs a perdu dans sa circonscription de Quispamsis. Dans un discours prononcé devant ses partisans dans la circonscription, il a confirmé qu’il entamerait un processus de transition à la direction du parti.

Alors que les libéraux obtenaient leur majorité, le chef du Parti vert, David Coon, a remercié ses partisans et s’est engagé à continuer de bâtir le parti, mais il a ensuite tourné son attention vers le premier ministre. «Une chose est sûre», a-t-il déclaré à une foule rassemblée au Dolan’s Pub à Fredericton, «nous savons que Blaine Higgs n’est plus le premier ministre de cette province.»

La course électorale a été largement axée sur les soins de santé et l’accessibilité, mais elle a été marquée par les styles de campagne remarquablement différents des deux chefs.

Blaine Higgs a mis l’accent sur le coût élevé de la vie, promettant de réduire la taxe de vente harmonisée provinciale de deux points de pourcentage à 13% – une promesse qui aurait coûté à la province environ 450 millions $ par an.

Mme Holt a passé une grande partie de la campagne à proposer des solutions pour un système de santé en proie à une pénurie de médecins, à des salles d’urgence surpeuplées et à de longs délais d’attente.

La cheffe libérale, ancienne militante des affaires et fonctionnaire, a promis d’ouvrir 30 cliniques de santé communautaires dans toute la province d’ici 2028, de supprimer la taxe de vente provinciale sur les factures d’électricité, de remanier les services de santé mentale et d’imposer un plafond de 3% sur les augmentations de loyer d’ici 2025.

Une campagne inhabituelle

Le premier ministre de 70 ans, ingénieur en mécanique et ancien dirigeant d’Irving Oil, a mené une campagne discrète, au cours de laquelle il n’a pas organisé d’événements publics pendant au moins 10 jours, et était absent du deuxième débat des chefs, le 9 octobre.

Mme Holt n’a manqué que deux jours de campagne et a soumis une plateforme de 30 pages avec 100 promesses, un document beaucoup plus volumineux que la plateforme de deux pages des conservateurs, qui comprend 11 engagements.

Lorsque les élections ont été déclenchées le 19 septembre, les conservateurs détenaient 25 sièges sur les 49 que compte l’Assemblée législative. Les libéraux détenaient 16 sièges, le Parti vert en avait trois, il y avait un indépendant et quatre sièges vacants. Il faut au moins 25 sièges pour obtenir la majorité.

M. Higgs espérait devenir le premier premier ministre du Nouveau-Brunswick à remporter trois élections consécutives depuis que le libéral Frank McKenna a remporté sa troisième majorité consécutive en 1995. Mais il était clair dès le départ que M. Higgs aurait à surmonter de gros obstacles.

Le premier jour de la campagne, un sondage national a montré qu’il avait le taux d’approbation le plus bas de tous les premiers ministres du pays. Le matin même, M. Higgs s’est interrogé ouvertement sur la façon dont il était perçu par le public, suggérant que les gens avaient une fausse idée de qui il était vraiment.

«J’aimerais vraiment que les gens puissent me connaître en dehors de la politique», a-t-il dit, ajoutant qu’une disposition plus ensoleillée pourrait augmenter sa popularité. «Je ne sais pas si je dois faire l’heure de l’humour ou sourire davantage.»

Un bilan avec de bons points

Le premier ministre sortant avait tout de même de quoi se vanter, notamment six budgets équilibrés consécutifs, une réduction significative de la dette de la province, des réductions d’impôt sur le revenu et une population en plein essor.

Le parti de M. Higgs a été élu au pouvoir en 2018, lorsque les conservateurs ont formé le premier gouvernement minoritaire de la province depuis près de 100 ans. En 2020, il a déclenché des élections anticipées — faisant de la province la première à se rendre aux urnes pendant la pandémie de COVID-19 — et a remporté une faible majorité.

Depuis lors, 14 membres du caucus conservateur ont démissionné après s’être confrontés au premier ministre, certains d’entre eux invoquant ce qu’ils ont décrit comme un style de leadership autoritaire et une focalisation sur des politiques conservatrices qui représentaient un virage à droite brutal.

Une révolte au sein du caucus a éclaté l’année dernière après que le premier ministre a annoncé des changements à la politique d’identité sexuelle dans les écoles. Lorsque plusieurs législateurs conservateurs ont voté pour un examen externe du changement, M. Higgs a écarté les dissidents du cabinet. Une tentative de certains membres du parti de déclencher un examen de la direction n’a abouti à rien.

Blaine Higgs a également déclaré qu’un gouvernement conservateur rejetterait toutes les nouvelles demandes de centres de consommation de drogue supervisés, relancerait une contestation judiciaire contre le système fédéral de tarification du carbone et forcerait les gens à suivre un traitement contre la toxicomanie si les autorités jugeaient qu’ils «représentent une menace pour eux-mêmes ou pour les autres».

Pendant ce temps, la législature est divisée selon des critères linguistiques depuis que les conservateurs ont pris le pouvoir. Les conservateurs ont dominé les circonscriptions anglophones du centre et du sud de la province, tandis que les libéraux ont dominé les circonscriptions francophones du nord.

Au moment où les résultats ont été annoncés, les partisans de M. Higgs étaient entassés dans un bar-grill St. Louis très fréquenté, à Quispamsis, dans le sud du Nouveau-Brunswick, où l’heure du souper battait son plein. M. Higgs regardait les premiers résultats depuis sa maison voisine et ne devait pas se rendre au restaurant avant que les résultats définitifs ne soient connus, a déclaré un porte-parole.

Les partisans de Susan Holt se rassemblaient à l’hôtel Crowne Plaza du centre-ville de Fredericton, et les partisans de David Coon se trouvaient à 10 minutes à pied, au pub Dolan’s.