«Se sevrer graduellement du privé»: Christian Dubé admet s’être fourvoyé

QUÉBEC — Le ministre de la Santé, Christian Dubé, qui a affirmé mardi matin vouloir «sevrer» le système de santé du privé, admet s’être fourvoyé.

«J’ai fait une erreur de terme, a-t-il déclaré en mêlée de presse. J’aurais dû regarder dans le dictionnaire avant. Je veux être très très clair: le privé va rester complémentaire à notre système public. On en a besoin pour servir les patients.

«On en veut du privé, on en veut du privé», a-t-il répété lors de la période des questions.

En matinée, il avait créé la surprise en déclarant, lors d’une interpellation au Salon rouge: «je pense qu’on est rendus très près d’être capables de se sevrer graduellement du réseau privé».

«J’écoutais hier le Dr (Mauril) Gaudreault du Collège des médecins qui disait que ce qui est important, c’est d’arrêter cette croissance-là. Je suis 100 % d’accord.

«On va être là dans les prochains mois, à être capables de se sevrer graduellement du système privé, qui restera toujours complémentaire, mais peut-être pas à la hauteur de ce qu’il est en ce moment», a-t-il ajouté.

Il a profité de l’interpellation pour annoncer qu’il réfléchissait notamment à imposer des tarifs maximums au privé et à mettre fin au «va-et-vient» des médecins entre le public et le privé.

Selon lui, 3 % des médecins au Québec pratiquent au privé et «avant qu’on soit à 4, 5 ou 6 %, (…) on doit dire: « C’est assez »». «À 3 %, on devrait être capable de corriger la situation assez rapidement», a-t-il dit.

Christian Dubé a dit vouloir lancer un «débat de société».

Pompier pyromane

Agréablement surprise, l’opposition a applaudi ce «changement de cap majeur», le député solidaire Vincent Marissal soulignant que le gouvernement Legault avait lui-même nourri le «monstre» du privé avec «des hormones de croissance».

Ce même gouvernement s’est engagé en 2022 à construire deux mini-hôpitaux privés à Montréal.

Le ministre est un pompier pyromane, a lancé le député péquiste Joël Arseneau. «On ouvre la porte grande au privé, on en fait l’apologie, et aujourd’hui on dit: « Peut-être qu’on est allé trop loin »», a-t-il résumé.

Le porte-parole libéral en santé, André Fortin, a noté que durant l’interpellation, le ministre semblait causer la surprise au sein même de son équipe.

«Les députés gouvernementaux ont passé la session presque entière à suggérer tous les bienfaits du système privé de santé, (…) alors que le ministre Dubé de son côté affirmait vouloir sevrer l’État de cette dépendance-là», a-t-il souligné.

«On a vraiment l’impression que Christian Dubé a surpris son propre parti», a-t-il ajouté.

M. Arseneau a comparé l’annonce aux récentes volte-face du gouvernement Legault en immigration. «On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a une bonne dose d’improvisation», a-t-il lâché.

Clause dérogatoire

Dimanche, M. Dubé avait annoncé son intention de légiférer pour obliger les nouveaux médecins à pratiquer dans le système public pendant un certain nombre d’années.

Le premier ministre François Legault a laissé entendre, mardi, que le gouvernement allait recourir à la clause dérogatoire afin de se placer à l’abri des poursuites judiciaires.

«On forme des médecins à grands frais dans nos universités. Puis il y en a qui s’en vont en Ontario, il y en a qui s’en vont au privé. On dit: « Pour un certain nombre d’années, vous devriez travailler au public ». Ça veut dire qu’il faut utiliser la clause dérogatoire.

«Oh! Là, Québec solidaire va être fâché. La clause dérogatoire, on ne touche pas à ça», a-t-il raillé.

Ce débat survient alors que le Collège des médecins énonçait, lundi, ses propres principes concernant le privé en santé et demandait notamment que «l’expansion du secteur privé en santé soit suspendue immédiatement».